Lettre de Catalogne

Publié le 12 Octobre 2017

Chers Gérard, Caroline et famille,

 

Merci Gérard pour ton coup de fil du 1er octobre. 

Merci encore, parce que les amis qui se manifestent dans des moments difficiles sont de vrais amis.

Ton coup de fil est arrivé au moment où la police a réussi à entrer dans le collège électoral pour saisir les urnes. (ils ne les ont pas trouvé).

J'étais en état de choc, entouré d'une centaine de gens de notre petit village de 760 habitants de tous les âges. Les jeunes de moins de 40 ans (qui n'ont pas vécu la dictature) pleuraient d'impuissance. Moi, j'ai pleuré après. Eux ne comprenaient pas. Moi si, Franco est mort quand j'avais 18 ans. J'étais émotionnellement très très touché, c'étaient comme si rien n'avait changé, le retour des vieilles peurs. On s'est rassemblé et on s'est mis devant une cinquantaine de gardes civils et “agents de l'ordre”, les mains en l'air en signe de non-agression, en criant “Som gent de Pau(nous sommes des gens de paix). Ils nous ont foncé dessus matraques en l'air, poussé, frappé, jeté par terre et sont entrés par la force. A l'école maternelle d'Enzo, ils n'ont rien cassé, pas comme dans d'autres écoles, ils ont seulement emporté l'ordinateur portable (de l'institutrice) qui était dans la classe.

Heureusement, le mardi 3 octobre, nous avons reçu la visite de Christian et Lili que nous avons connus chez toi, à Douarnenez. Défiant la grève générale (56 routes barrées ce jour-là), par le miracle de l'amitié ils ont réussi à arriver chez nous dans l'après-midi.

(Ils nous avaient appelé le lundi après-midi pour nous dire qu'ils venaient nous voir et on les avait averti que le pays serait paralysé pour protester contre les violences du dimanche).

Nous avons partagé leur délicieux fromage de chèvres des Cévennes arrosés des vins naturels TTs.

Pour nous, un miracle. On était moralement très affectés. Plusieurs jours que l'on ne dormait que 2 ou 3 heures par nuit. Le dimanche matin à 5h nous étions allé protéger l'école avec d'autres pour pouvoir assurer le vote. La tension est extrême ici en ce moment.

Nous avons pu partager mardi et mercredi l'énergie positive et l'amitié de Christian et Lili qui nous ont apporté le réconfort dont nous avions besoin.

Ils ne sont resté que 2 jours, mais cela nous a remis en état, le moral à fond.

Merci encore à vous tous qui nous aidez à affronter ces moments si difficiles.

Merci à vous pour cette amitié sans frontières. 

Quel bon sujet que celui de votre festival cette année, les frontières. Nos frontières sont l'intolérance, la violence, l'impossibilité d'un peuple de pouvoir opiner sur son futur, le dictat des banques et du marché. « Que poderoso caballero don dinero » (quel grand seigneur est le seigneur de l'argent).

La Catalogne n'a pas d'armée et ne prévoit pas d'en avoir, les Catalans sont pacifiques. Le gouvernement central parle d'envoyer l'armée. Cette semaine, les dirigeants catalans ont été menacés de prison, voire de mort. On parle d'interdire les trois partis majoritaires indépendantistes comme ils l'ont déjà fait avec Batasuna le Parti basque, tout cela pour un référendum demandé par 80% de la population catalane.

Les gens tant en Espagne comme en Catalogne sont tristes et déçus de voir que l'Europe ne veut pas intervenir, ni comme médiateur. Pourtant si d'ici lundi rien n'est fait, on risque de basculer vers un conflit violent.

On vous envoie vers un lien pour demander à vos représentants de demander rapidement une médiation de la part de l'Europe pour stopper le conflit.

http://supportcatalonia.eu/fr/

Merci de bien vouloir le partager. Bien sûr, si vous ne vous sentez pas concerné, cela n’altérera pas nos liens d'amitié.

Ici, aujourd'hui, c'est le 12 octobre, fête nationale espagnole où défile l'armée, pour rappeler la découverte et colonisation de l'Amérique. (Anciennement fête de la race).

Évidemment nous passerons ces 4 jours chez nous, comme la grande majorité des Catalans, les ultras d'extrême droite cherchant un affrontement dans les rues de toutes les grandes villes.

Nous vous tiendrons au courant des évènements, nous allons tous bien, bien que très altérés par ces dernières semaines.

À bientôt et amitié tous.

Rédigé par Gérard Alle

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