En Marche ou En Bagnole ?

Publié le 3 Décembre 2018

Dimanche soir, ayant entendu dire que Paris était en flammes, j’ai regardé, sur France 2, une édition du journal de 20 heures entièrement consacrée aux émeutes et aux Gilets Jaunes. Quand on ne regarde pas souvent la télé, on est toujours surpris par la dégradation constante de sa qualité, sa contribution de plus en plus servile à la normalisation sociale et son absence de pluralité d’opinion.

J’ai donc vu, en boucle comme sur BFM TV que le service public cherche à imiter, les images des casseurs et Gilets Jaunes, brisant des vitrines, pillant des magasins, incendiant des voitures. Et j’ai pu constater le décalage : quand les journalistes parlaient d’une violence inouïe, je ne voyais que des 4X4 qui cramaient, des magasins des quartiers chics de Paris saccagés. Difficile de m’arracher des larmes. J’ai peut-être l’esprit mal placé. Parce qu’il y a eu sans aucun doute eu des effets collatéraux : l’erreur du mec du XIème qui a garé sa Clio avenue Kléber et l’a retrouvée en cendres, l’autre qui s’est pris la grille des Tuileries sur la gueule, etc. Quand même, ils nous ont ressorti leur sempiternelle complainte sur les black blocs, ces « sauvages » des temps modernes. En oubliant, bien sûr, que ces groupes n’ont jamais tué personne et qu’ils sont loin d’être composés de brutes marginales et sans idées.

Bien sûr, il y a plein d’ambiguïtés dans ces Gilets Jaunes. Même si on n’a pas le choix du mode de déplacement quand on habite rural, ils nous énervent, avec leur côté réac, supermarché et bagnole. Mais comme certains envisagent de transformer leur mouvement en mouvement politique, on pourrait, pour rigoler un peu, leur suggérer un nom pour contrer En Marche : En Bagnole !

Mais voilà. J’ai aussi vu l’Arc de Triomphe tagué et le soldat inconnu, ce mort-pour-rien, appelé à la rescousse. Jubilatoire ! Là aussi, les larmes de crocodile de nos journalistes : des symboles de la République auraient été souillés. Leur République n’est pas la même que la nôtre. La nôtre est caractérisée par un pouvoir hyper-centralisé, des classes populaires éjectées du centre des villes, des campagnes qui voient disparaître transports en commun et services publics. Et si cette révolte peut sembler irrationnelle, c’est parce qu’elle est la rançon d’un mépris : le mépris affiché par des élites qui se goinfrent et se reproduisent entre elles. Mais ce mépris n’est pas que social, car il se double d’un manque de respect et d’une ignorance que nous avons tous constatée, de la diversité des cultures, des territoires et des situations, par beaucoup de Parisiens, qui ont trop souvent une vision folklorique et caricaturale des campagnes et des régions. De plus, ceux que nous voyons investir nos territoires pour un weekend ou des vacances disposent d’un niveau de vie bien supérieur au nôtre, ce qui induit une vision du monde forcément différente. La question centrale, celle du partage des richesses, est donc aussi celle de l’organisation territoriale et de la diversité culturelle. Le centralisme jacobin est la maladie endémique de la France. Il en résulte une violence « inouïe » qui devrait alerter un peu plus que le « malheur » des commerçants des quartiers chics, dont les vitrines ne tarderont pas à être remboursées par les assurances, car Noël approche et il va falloir consommer comme des dingues !

Rédigé par Gérard Alle

Commenter cet article